5 (nouveaux) mots du féminisme

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Edition spéciale anglicismes

En parcourant l’actualité, vous êtes tombée sur de nouveaux termes mystérieux à l’air barbares, souvent aux allures anglo-saxonnes tels que “male gaze” ou “manspreading” et vous vous sentez perdue ? Vous avez toqué à la bonne porte ! Embarquez avec cet article dans une session de rattrapage des nouveaux mots du féminisme que vous devriez connaître (pour le plaisir, pour se la péter en soirée, pour en boucher un coin à votre grand-oncle insupportable aux repas de famille, pour se renseigner, …)

Manspreading

A défaut de connaître ce mot, vous avez sûrement déjà remarqué le syndrome des boules de verre dans les transports en commun. Mais si, lorsqu’un homme a tellement peur de compresser ses fragiles attributs qu’il écarte les jambes en prenant 3 places. En faisant cela, il occupe l’espace public à défaut des autres et ce, de manière disproportionnée : il s’agit de manspreading. Bien que le terme soit apparu assez récemment (2015) chez nos amies américaines, on peut largement identifier ce phénomène dans la bonne vieille Europe.

On peut retrouver la variante “man-sitting” ou un essai de traduction en français en utilisant “étalement masculin”. Dans tous les cas, cela décrit une occupation excessive de l’espace public sans considération pour ses congénères. Cette posture n’est pas anodine surtout lorsqu’on fait le parallèle avec l’idée qu’une femme doit avoir les jambes croisées (qu’elle porte une jupe ou non) et accentue un rapport de domination dans l’espace pris. On peut y voir une injonction de la société à dire aux hommes de prendre de la place tel l’animal dominant qu’il est et aux femmes de faire profil bas. Pensez aux animaux qui se montrent plus gros qu’ils ne sont pour défendre leur territoire… L’appropriation de l’espace est un enjeux de domination comme un autre.

(source image : https://decadree.com/2021/09/29/manspreading-cachez-cet-entrejambe-que-je-ne-saurai-voir/ )

Le manspreading est apparu dans les médias via des actions de protestation dans plusieurs pays ! C’est d’ailleurs le sujet d’une campagne de communication dans le métro de Madrid.

Mansplaining

Notion apparue dans les années 2010, le mansplaining décrit également un “étalement”. Si un homme est venu vous expliquer la vie alors que vous êtes plus au courant que lui (experte, ayant eu cette expérience, …) et ce, possiblement avec un ton condescendant, il s’agit de mansplaining. Contraction de “man” et “explaining” pour “homme” et “explication”, ce mot décrit cette manière bien particulière et surtout patriarcale de se faire expliquer les choses sans pour autant que la personne en face en sache plus que vous.

On vous explique comment se déroule un accouchement, que c’est bien moins douloureux que cela en a l’air et que les “vraies” se passent de péridurale alors que vous en avez vécu un ? Mansplaining. Quelqu’un sans lien avec le sujet vient vous couper la parole en vous expliquant les enjeux et limites du nucléaire alors que vous êtes experte dans le domaine ? Mansplaining.

En conséquence, les femmes sont décrédibilisées, leur temps de parole est réduit, leurs compétences sont minimisées. Enfin, comme beaucoup de mécanismes de ce genre, ils peuvent être intentionnels ou parfaitement intégrés et être utilisés sans même s’en rendre compte.

Bien évidemment, ce mot ne fustige pas chaque homme qui cherche à expliquer quelque chose à quelqu’un comme le montre le schéma ci-dessous réalisé par la BBC. Si vous demandez une explication sur un sujet, il s’agira bien évidemment pas de mansplaining.

(source image : https://www.bbc.com/worklife/article/20180727-mansplaining-explained-in-one-chart )

Manterrupting

Dans la même lignée que les mots précédents, le manterrupting est la contraction de “man” et “interrupting”. En conjuguant les mots “homme” et “interruption”, on fait bien évidemment référence à des interruptions de paroles intempestives du fait du genre de la personne qui a la parole. On retrouve ici encore les principes de minimisation de l’importance de ce que dit la personne et de décrédibilisation. Nous sommes tellement habituées à assister à du manterrupting que nous ne le décelons pas toujours.

Une fois cette notion en tête, difficile ne plus le voir : à la télévision, en réunion ou encore lors des débats politiques on s’aperçoit que la parole est beaucoup plus souvent coupée lorsqu’il s’agit d’une femme qui parle. Plusieurs études menées (1975, 2014, 2015, 2017…) prouvent que les femmes sont bien plus interrompues que les hommes.

De plus, on perçoit différentes manières d’interrompre. Dans le cas du manterrupting, il s’agit d’interrompre sans apporter d’éléments de complément mais plutôt de reprendre le pouvoir sur la conversation menée.

Je vous invite à être attentive aux débats de la présidentielle qui arrive (ou à tout autre évènement si vous lisez cet article post-élections 2022). Lors des débats entre Donald Trump et Hilary Clinton pour la présidence des Etats-Unis, Trump a interrompu 51 fois son adversaire contre 17 fois dans l’autre sens. Les mêmes effets sont effectifs dans notre pays. Je vous laisse écouter et le constater de votre propre fait.

Male gaze

Encore une nouveauté ? Que neni, la notion de male gaze apparaît en 1975 dans un essai rédigé par la critique de cinéma Laura Mulvey.

Il est dimanche soir et au programme, c’est “film en famille” : chouette ! Après de âpres discussions, vous décidez de regarder un film d’espionnage. Le charismatique agent anglais en smoking rencontre une agent d’une faction différente. Et là, la réalisation s’affole : gros plan sur son postérieur puis suivi de sa démarche voluptueuse et encore plusieurs secondes maintenues sur son décolleté généreux. C’est ça, le male gaze. C’est prendre le parti que le spectateur est un homme hétérosexuel (en rut) et lui faire “regarder” comme lui serait supposé regarder. Inutile de préciser qu’il s’agit d’un élément particulièrement sexiste.

Dans cet exemple, le trait a été grossi : selon le genre de film, le male gaze est plus ou moins flagrant. Il peut être utilisé dans des scènes de séduction (coucou bel agent londonien) mais aussi beaucoup, tout le temps, systématiquement quand un personnage féminin entre en scène et ce pour aucune raison. Qu’elle soit en robe de soirée moulante ou en bleu de travail, le male gaze est très souvent utilisé.

Dans le cinéma, une nouvelle vague de réalisateurs et réalisatrices s’emparent d’une nouvelle manière de filmer qui n’incorporerait pas ce fameux regard supposément masculin. Notons tout de même que les stéréotypes sexistes affectent également ces messieurs qui sont comparés à une boule de libido insatiable et en furie en toutes circonstances.

Nous avons vu ici le male gaze dans les films, vous vous doutez bien qu’il est également présent dans les publicités, les jeux vidéos, les bandes dessinées, bref tout élément culturel qui permet d’adopter le regard supposé dominant du spectateur ou du lecteur.

(source image : Anne-Charlotte Husson, La petite Bédéthèque des Savoirs – tome 11 – Le féminisme. En 7 slogans et citations, 2016, page 68.)

Slut-shaming

“Dis donc, vu où s’arrête sa jupe, elle n’est pas venue enfiler des perles celle-ci”.

Vous avez déjà entendu ce genre de propos ? Vous l’avez peut-être vous même pensé ou partagé. Ce type de remarque est à la croisée du slutshaming et de la culture du viol. Pourquoi ce genre de discours peut être dérangeant ? Il ramène la valeur des femmes à leur supposée activité sexuelle, il les juge selon des pseudos-moeurs et les dévalorise en ne prenant pas en compte leur liberté. Que cela porte sur le physique, sur le comportement “osé”, sur les vêtements jugés provocants ou sur “la morale”, ces propos entretiennent tous l’idée que le sexe est dégradant pour la femme.

Et ça commence dès la découverte de la sexualité. Ça blesse et ça fait peur aux adolescentes, car les filles se sentent responsables (voire coupables) et veulent éviter d’avoir une réputation de “salope” de peur de se faire agresser. Plusieurs en viendront à changer d’école, d’autres penseront au suicide. Dans tous les cas, le slut-shaming laisse des traces sur la construction de l’identité des adolescentes.

Et on laissait aux filles et aux femmes la liberté sexuelle qui leur convient?

En somme, si un homme se vante de ses conquêtes au lit, on lui imputera du charisme, de la vigueur alors que si une femme en fait autant, on la considérera comme impropre, aguicheuse, frivole. En outre, on appose ici un double standard. Le fait d’avoir une vie sexuelle active sera valorisée pour les hommes et dévalorisante pour les femmes. Le même critère sera donc interprété positivement ou négativement selon la personne que l’on a en face.

Votre vie sexuelle ne regarde que vous et la fréquence de vos rapports ainsi que le nombre de partenaires n’impacte en aucun cas votre valeur en tant qu’humain.

Vous l’aurez compris, le slut-shaming décrit la manière de stigmatiser les femmes au regard de leur attitude dite provocante ou de leur activité sexuelle. Ce néologisme a été créé outre-atlantique en fusionnant l’insulte “slut” que l’on pourrait traduire par “salope” et le mot “shaming” qui décrit le fait de juger, humilier, disqualifier.

So…

Voilà ! Vous avez survécu à cet article et vous en savez désormais plus sur les mots du féminisme, ou du moins je l’espère. Il s’agit d’une introduction à ces notions : chacun des mots présentés pourrait mériter un ou plusieurs articles à eux tout seuls !

Nous sommes à votre écoute pour créer et compléter les articles qui vous intéressent et vous ressemblent.

Au regard de ces notions, pensez-vous avoir déjà vécu ou observé les situations citées ? Souhaitez-vous un article dédié à l’une des notions citée pour approfondir le sujet et avoir plus d’exemples concrets ? Êtes-vous prêtes à découvrir d’autres mots du féminisme ? Laissez-nous un commentaire ci-dessous !

Simona Antin & Louisa Benahmed

Cette publication a un commentaire

  1. Clémentine

    Super article ! merci!

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